Le Diable est dans les détails

Publié le par Martine

Le Diable est dans les détails

Cette semaine, ma "Bonne nouvelle du lundi" concerne à la fois un Prix Goncourt et un excellent hebdomadaire, Le 1, auquel je suis abonnée depuis quelques mois maintenant.

L'avantage, et pas des moindres à mes yeux, de cet hebdo dirigé par Eric Fottorino, c'est qu'il nous propose chaque mercredi un dossier de fond sur un sujet de société, en lien direct avec l'actualité ou plus généraliste et, régulièrement, une nouvelle dont l'histoire ou le thème s'y rapporte.

La bonne nouvelle dont je vais vous parler en ce premier lundi d'automne, c'est Leïla Slimani, Prix Goncourt pour son roman "Chanson douce", qui l'a écrite et publiée dans Le 1 du 8 octobre 2014 qui traitait cette semaine-là de "Réflexions sur la question musulmane". Elle a pour titre "Le Diable est dans les détails" et a été reprise dans un recueil regroupant deux nouvelles et six textes engagés, tous parus dans Le 1, et publiés aux éditions de L'Aube.

Amine Moussa est un professeur d'université, déjà âgé, qui vit dans son univers protégé par ses livres, la routine de ses trajets entre son domicile et l'université où il enseigne et les cours qu'il donne d'une année sur l'autre. Amine va bien, n'a pas de souci particulier sauf que, depuis quelque temps, il a peur. Oh! Ce n'est pas une peur identifiée, bien qu'elle fasse rire sa femme, Atika, qui n'hésite pas à le taquiner à ce propos. Non! Cette peur qui se loge dans la tête d'Amine, qui le surprend à tout moment, est beaucoup plus sournoise, silencieuse et lancinante.

C'est simple, elle l'habite depuis qu'Amine a surpris certaine scène de violence dans la rue. Il est passé à côté, n'a pas vraiment regardé mais, quand même, il l'a vue, l'a sentie, entendue cette violence contenue, froide, maîtrisée. Si seulement cela n'était arrivé qu'une fois, Amine pourrait oublier. Mais ce genre de scène se reproduit, survient à des moments les plus inopportuns, dans des lieux les plus inattendus. Alors, oui, Amine a peur. Et tant pis si cela fait rire Atika.

Le pire, à présent, c'est qu'il a peur chez lui aussi. Peur des propos et réflexions que son employée de maison ne se gêne pas de lui faire à lui qui, oui, c'est vrai, fume, boit un verre d'alcool de temps en temps, enseigne à tous les étudiants, quelles que soient leurs origines, et se comporte, de fait, comme un mécréant, offensant par là-même Allah et toutes celles et ceux qui le fanatisent et revendiquent agir en son nom. 

Cette nouvelle, c'est celle de la peur, de l'angoisse, qui s'insinue sur un acte somme toute assez banal, et qui grandit, croit en nous jusqu'à occuper toute la place. Avec raison, dans le cas d'Amine. Cette peur qui s'installe dans des gestes, des attitudes, des regards, dans tous ces petits détails qui mis bout à bout révèlent leur importance, déterminante, capitale. 

Avec une maîtrise parfaite du récit jusqu'à la scène ultime, qu'on sait venir, arriver et qui parvient encore à nous surprendre par sa soudaineté, sa brutalité, son inexorabilité, Leïla Slimani nous offre un texte fort et émouvant, sensible et si magnifiquement écrit. Une nouvelle de toute beauté.

 

 

 

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M
Merci pour cette présentation ... Je ne sais pas si tu es au courant ils vont faire un film de "Chanson douce "
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M
Hello Manika! Non, je ne savais pas. Merci pour l'info!