Un matin gris

Publié le par Martine

Un matin gris

En cette nouvelle semaine qui commence, c'est vraiment LA bonne nouvelle du lundi que j'ai envie de partager avec celle-ci, "Un matin gris" signée Annie Saumon, Prix Goncourt de la nouvelle en 1981, dans le recueil "Embrassons-nous" paru chez Julliard en 1998.

J'ai lu ce recueil pour l'animation Les Passerelles du samedi, organisée toutes les 5 à 6 semaines par les bibliothécaires de ma médiathèque La Passerelle qui nous invitaient ce samedi matin 22 avril à rendre "Hommage à Annie Saumont", décédée le 31 janvier dernier.

Si l'on peut déplorer le trop peu de participants, la qualité des échanges fut bel et bien au rendez-vous et les lectures offertes par les bibliothécaires furent d'autant plus appréciées. Les ouvrages d'Annie Saumont étant tous empruntés, j'ai, pour ma part, eu la chance que Julia, bibliothécaire à l'initiative de cette belle animation, m'en prête un, mis de côté pour l'occasion. Et ce fut celui-ci "Embrassons-nous" dans lequel la nouvelliste partage encore son grand talent d'écrivain et sa parfaite maîtrise de ce genre littéraire à part entière qu'est la nouvelle.

En témoigne cette nouvelle "Un matin gris" que j'ai retenue pour son sujet et qui trouve, aujourd'hui, une bien triste résonance à notre actualité politique.

"Un matin Ils sont venus. 

Y a longtemps. un matin gris. Pleuvait pas. C'est ma mère qui l'a dit (...)". Celui qui parle ainsi, c'est un jeune garçon, 11 ans. Ce matin gris, dont sa mère lui parle sans cesse, c'est celui du 16 juillet 1942, quand des hommes, Ils, sont venus chercher son Arrière Grand-Ma, Esther, pour l'emmener, loin, très loin, dans un endroit inconnu d'où elle n'est jamais revenue. Oh! Bien sûr! Elle se doutait bien un peu, Esther, que quelque chose de terrible allait arriver. La preuve, quelques semaines auparavant, elle s'était résolue à envoyer son fils unique, 11 ans lui aussi à cette époque, chez des personnes amies vivant dans le Sud de la France. En se disant qu'elle le rejoindrait. Bientôt. Mais sans vraiment se résoudre à abandonner cet appartement parisien, celui où elle avait été si heureuse avec son cher époux, et dans lequel elle ressentait encore tellement sa présence, à lui, ce mari tendrement chéri et décédé de maladie un an plus tôt. Alors elle n'est pas partie, Esther. Peut-être espérait-elle finalement que rien n'arriverait. Et elle a attendu. Et puis... "Un matin Ils sont venus..."

Cette histoire de son Arrière Grand-Ma Esther, ce jeune garçon la connait par coeur. Sa mère lui l'a répétée et racontée encore, dans le silence agacé et un peu hostile de son père dont Esther fut la grand-mère qu'il n'a pas pu connaitre. Mais, ajoute sa mère à chaque fois, "On n'est pas à l'abri. Tout pourrait recommencer". Et n'est-ce pas d'ailleurs ce qui se produit? N'est-ce pas d'ailleurs ce qu'il vit, lui aussi, cette animosité, cette angoisse sourde qu'il ressent lorsqu'il va aux entraînements de foot et que ses coéquipiers le raillent, l'humilient et que l'entraîneur ne dit rien? Alors! C'est décidé. Lui ne fera pas comme Esther. Il n'attendra pas qu'Ils viennent le chercher...

Comment ne pas s'émouvoir à la lecture de cette nouvelle? Avec un talent évident, l'auteur se glisse dans la peau de cet enfant et nous fait éprouver ses émotions, ses ressentis, tout ce qu'un enfant de cet âge est à même de comprendre dans des propos adultes. Jusqu'à la chute. Vertigineuse, la chute. 

J'ai choisi cette nouvelle pour son sujet. Mais c'est l'ensemble du recueil qui se décline ainsi. Annie Saumont possédant cette qualité essentielle et rare de se mettre dans la peau de chacun de ses personnages, hommes, femmes, enfants, aisés ou miséreux, gais ou tristes, avec un réalisme impressionnant, une intonation sidérante et, souvent, une petite pointe d'humour et/ou d'autodérision qui nous confronte à l'évidence. Cette personne-ci, c'est notre voisin. Cette autre, c'est nous, enfant. Celle-là, c'est la p'tite dame qu'on a l'habitude de croiser tous les matins. Cette autre encore, c'est le jeune dont on sait bien qu'il "traficote" un peu mais qui, à notre passage, nous salue d'un généreux (et un brin provocateur) "B'jour, M'dame!" 

Bref. Ce recueil, c'est vous et moi. Cette écriture, c'est celle, à la fois unique et universelle, qui nous confronte à notre intime le plus personnel et au reste du monde, celui qui nous est proche, nous entoure et celui dont on nous parle et qui, sous la plume d'Annie Saumont, devient si près, si ... là et maintenant!

 

 

Un matin gris
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M
rho j'ai encore tapé trop vite et valider sans relire ... je n'ai lu qu'un titre ...
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M
:-) C'est vrai que son écriture est particulière mais elle te prend d'autant plus vite!
M
Je 'nia lu qu'un ressui de cette auteure j'ai eu du mal au début puis peu à peu j'ai apprécié.http://keskonfe.eklablog.com/un-soir-a-la-maison-a100187381<br /> merci pour ce partage. Je vais finir par participer à ta bonne nouvelle du lundi !
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M
Oh oui! Viens partager tes bonnes nouvelles avec nous! Merci!!! :-)