Nous, les passeurs

Publié le par Martine

Nous, les passeurs

Où j'aurais envie de sous-titrer "Comment commencer une lecture et être tellement prise par elle qu'on ne peut refermer le livre qu'une fois la dernière page lue?" C'est exactement ce que j'ai vécu avec ce premier roman de Marie Barraud "Nous, les passeurs" paru chez Robert Laffont en cette rentrée littéraire de janvier 2017 et qui fait partie de la belle sélection concoctée par Charlotte, Nicole, Eglantine et Sabine pour les 68 premières fois.

Tout d'abord je tiens à préciser que ce roman reste un roman même s'il ressemble étrangement à un témoignage, et a des échos plutôt autobiographiques. C'est certainement d'ailleurs cette ambiguïté qui fait que j'ai été littéralement happée par ce récit, que j'ai eu l'impression tout au long de ma lecture d'être à côté de l'auteur et de l'écouter me parler, me raconter sa famille, son grand-père, son père et cette relation qu'elle a du mal à éprouver envers ce dernier. Et pour cause!

Le père de Marie n'a que 8 ans en avril 1944 quand son père, Albert Barraud, médecin, est arrêté pour acte de Résistance puis déporté au camp de Neuengamme avant de disparaitre en mai 1945 sur le paquebot Cap Arcona bombardé par les Anglais. A 8 ans, on est bien petit encore pour comprendre l'absence soudaine, la disparition brutale d'un père, et encore plus quand le silence s'impose sur la famille, pour une simple question de vie ou de mort. Et quand on grandit, on n'ose plus poser les questions qui permettraient de comprendre. Alors on se tait, le silence qui aurait pu cesser, les mots qui auraient pu, dû, consoler, expliquer, sont tus pour toujours. Et l'incompréhension demeure et s'accompagne de rancune, de rancoeur. On en veut à l'absent, celui qui a disparu d'un coup, sans laisser de traces. Et on n'en vient à oublier même qu'il a existé, en gardant au coeur une blessure jamais refermée.

De ce grand-père, Marie ne sait rien, ou très peu. Et de fait sa relation à son père en subit inconsciemment les conséquences. Cette blessure qu'il continue de porter en lui rejaillit sur les liens qu'il devrait avoir avec sa fille. Alors celle-ci décide de comprendre, de savoir ce qu'il s'est vraiment passé et, peu à peu, avec son frère, elle retrace l'histoire d'Albert, ce grand-père que la famille veut effacer de l'arbre généalogique alors que, bien au contraire, elle devrait être fière de descendre de cet homme. Car l'histoire que Marie va mettre à jour est belle, bouleversante, violente et terriblement humaine. 

Je ne vais pas aller plus loin dans ma présentation de peur d'en dire trop et de trahir, moi aussi, cet homme valeureux, en vous privant de cette lecture que vous n'auriez plus le bonheur de faire alors.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que ce récit est vivant, vibrant, sonne terriblement juste et se découvre, se dévore comme une confidence faite rien que pour celui qui le lit. Sur les camps, sur la Deuxième Guerre mondiale et ses atrocités, on a beaucoup écrit. J'ai moi-même beaucoup lu, ayant toujours été comme fascinée par cette période dramatique de notre Histoire. Et pourtant, avec une sensibilité hors normes, à fleur de peau, Marie Barraud a réussi à m'émouvoir comme cela faisait bien longtemps que je ne l'avais été. C'est simple, en écrivant ces quelques mots, ma gorge se noue à nouveau, mon coeur se serre et les larmes affleurent.

Ce n'est pas un coup de coeur que j'ai ressenti pour ce roman. C'est bien plus, beaucoup plus et au-delà!

Nous, les passeurs
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E
Je viens tout juste de lire un article sur ce livre qui me tente bien , et tu confirmes :) Merci.
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M
Alors, plus d'hésitation! Merci Emma!
N
Je vois que nous avons ressenti la même émotion (même au-delà de l'émotion).. Quel superbe témoignage d'amour !
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M
Magnifique! Et terriblement troublant! Merci Nicole!