La mer couleur de vin

Publié le par Martine

La mer couleur de vin

C'est la Sicile comme on ne voudrait pas la connaître que nous présente Leonardo Sciascia dans ce recueil de 12 nouvelles (dont une double) écrites entre 1959 et 1972 et republiées chez Denoël & D'ailleurs en 2015.

La mer couleur de vin. La mer couleur sombre. Rouge sang. De ce sang des hommes et des femmes qui tombent au nom de la Cosa Nostra. Qui disparaissent mystérieusement. Qui endeuillent et appauvrissent des familles peinant déjà dans la misère et qui ont cru au nom de cette "belle chose" en des lendemains plus prospères, ou du moins un peu moins sombres...

La mer couleur de vin. De ce vin dont s'abreuvent à volonté ceux qui "ont tout compris", n'ont aucun état d'âme et restent froids et insensibles devant le malheur des leurs, dont ils sont la cause. Les riches, les nantis, et même ceux dont on pourrait penser que leur mission première et unique est de soulager la misère et qui, bien au contraire, se laissent submerger par toute cette fausseté, ces mensonges, ces leurres, et endossent ainsi la tenue des plus hypocrites.

Avec ce recueil, Leonardo Sciascia nous présente des situations d'un réalisme effarant, ahurissant. De situations plutôt banales, prises dans un quotidien des plus anodins, il en tire des effets impensables, en montre les tenants et les aboutissants avec une lucidité implacable, et pourtant sans jamais laisser passer la moindre froideur, au contraire! Chaque nouvelle nous fait entrer en sympathie avec ses personnages, nous plonge dans une atmosphère tranquille, de joyeuse compagnie, nous montre comme la vie peut être belle et agréable, et comme il est facile, si facile de l'arrêter.

Ce recueil, je m'y suis prise à deux fois pour le lire. Emprunté avec joie à ma médiathèque en mars dernier, enfin, j'allais lire un autre auteur sicilien que Camilleri, pensais-je. Un auteur que Camilleri a côtoyé, avec qui il a sympathisé. Et j'étais assez curieuse. Et de fait le style de ces nouvelles fait assez penser aux romans de Camilleri publiés en français chez Métailié ou Fayard. Du bleu de la sérénité au noir de la mort. Et du noir, très noir.

D'où ma pause. Impossible, même en espaçant d'un à plusieurs jours la lecture de ces nouvelles, de les lire à la suite. J'ai donc rapporté ce recueil à ma médiathèque et l'ai réemprunté au début de ce mois de juin pour le thème d'Il Viaggio d'Eimelle sur la Sicile.

Satisfaite de l'avoir lu jusqu'au bout, je le suis. Mais le regard que ces nouvelles nous font poser sur la Sicile me dérange. Vraiment. M'angoisse même. Et je préfère, et de loin, garder en tête les paysages magnifiques, la mer d'un bleue limpide et clair de cette Sicile que j'aime.

La mer couleur de vin
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