Nous serons des héros

Publié le par Martine

Nous serons des héros

Olivio a 8 ans à la fin des années 60 début 70 lorsque son père part pour un long voyage en bateau sur l'océan. Du moins c'est ce que sa mère et tout son entourage lui disent et qu'il croit bien volontiers. Sauf que la réalité est tout autre. Opposé à la dictature de Salazar, le père d'Olivio a été arrêté et emprisonné. Lorsqu'il meurt d'épuisement du fond de sa cellule, tout s'accélère et Olivio et sa mère sont contraints de quitter leur Portugal natal pour trouver refuge en France, en banlieue lyonnaise. Tout ça, le petit Olivio va l'apprendre brusquement, dans ce train qui l'emmène loin, loin, et le fait grandir d'un coup, comprenant qu'il ne reverra jamais son père.

Commencent alors pour l'enfant et sa mère les difficultés d'adaptation, d'intégration, d'apprentissage d'une nouvelle langue, celles liées à l'obtention de leurs nouveaux papiers, véritable sésame pour trouver un travail et un logement. C'est ce qu'ils feront peu à peu après avoir été accueillis d'abord chez Lydia et Luis, émigrés avant eux. Puis c'est la rencontre avec Max, pied-noir déraciné également, divorcé et père d'un petit Bruno de 5 ans, Max avec qui la mère d'Olivio tente de reconstituer une famille. Mais les personnalités s'opposent, les parcours diffèrent trop et la souffrance, lancinante, la nostalgie du temps passé demeurent...

En classe, Olivio sympathise avec Ahmed, immigré lui aussi. Une relation un peu ambiguë s'installe entre eux, le trouble persiste, encore aggravé par ce qu'on appellera plus tard les "ratonnades". En avril 1974, la Révolution des oeillets survient et enfin Olivio peut retourner au Portugal le temps d'un été avec Lydia et Luis, revoir sa famille, sa tante, son oncle, sa cousine, et pouvoir tout raconter ensuite à sa mère restée en France, leur pays désormais. Mais là encore, rien ne se passe comme Olivio, devenu Olivier, l'avait imaginé...

Ce roman de Brigitte Giraud "Nous serons des héros" paru chez Stock, je l'ai acheté jeudi soir à la librairie Lucioles à Vienne (38) et lu dans la foulée car, vous vous en doutez, un tel sujet m'interpelle. Forcément. Mais, si ce n'est sa fin, étrange et pourtant attendue, qui nous laisse espérer, croire en des jours meilleurs, un peu de bonheur pour Olivio, il contient un profond goût d'amertume. La nostalgie y est omniprésente. Elle nous imprègne, nous absorbe complètement. On suit les événements successifs avec une certaine distance. Certes on s'en émeut, comment faire autrement? Mais ce récit nous plombe, volontairement. Parce que, pour l'avoir entendu si souvent, c'est ça l'immigration. Un départ forcé, une installation loin d'être évidente, une incertitude nouée au coeur. Je me souviens de Fatima qui m'a dit un jour "J'ai deux pays, le Maroc et la France, mais aucun des deux n'est vraiment le mien. Dans chacun, je suis étrangère." Et ce sentiment, je l'ai parfaitement ressenti dans ce roman. i d'ici, ni de là-bas. Même avec la meilleure des intégrations.

C'est la force de ce roman, sa qualité et sa réussite.

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