La clé aux âmes
Comment parler d'un roman qui nous bouleverse autant? Comment dire ces choses si simples, si évidentes qu'on oublie d'y prêter attention? Ces choses si naturelles qu'on les pense acquises pour toujours alors que des hommes et des femmes se sont battus, ont donné leur vie pour qu'on en bénéficie et qu'un tout petit pas grand-chose pourrait nous faire perdre à jamais?
Cette Clé aux âmes dont nous entretient ici Gilles Laporte pour la collection Terres de France des Presses de la Cité, c'est la petite pièce en bois très fine qui donne toute sa vie, toute son âme au bois dont est fait un violon et qui lui permet ainsi de nous émouvoir par l'authenticité de ses vibrations.
En 1825, Mathilde, institutrice, maîtresse d'école, élève seule son fils P'tit Paul à Mirecourt en Lorraine depuis que son époux, Clément, est décédé des suites de la guerre de 1914-1918. Près d'elle, deux hommes : Adrien, son directeur d'école, violoniste et passionné d'aviation, et Paul, luthier et franc-maçon, tous deux éprouvant de tendres penchants à son encontre. Puis ses parents, boulangers pâtissiers, ses beaux-parents, Jeanne et Jules, amis de Paul, Alix sa belle-soeur discrète et effacée face à son mari, Victor, frère de Clément et activiste de droite.
Marqué par les idées de liberté, de fraternité, d'égalité et de laïcité chères au coeur de Mathilde et de Paul, le luthier qu'elle épouse en secondes noces, P'tit Paul grandit dans ces années d'entre deux-guerres. Il rencontre Louise, petite puis jeune fille, jeune femme, prise en affection par Mathilde dans son école de filles, en tombe follement amoureux et, devenu instituteur lui aussi, lui confie cette "clé aux âmes" sensée les protéger tous deux et protéger leur amour lorsque le deuxième conflit mondial éclate.
Mais la guerre reste la guerre. Face à la honte d'avoir du rendre les armes, aux mauvais traitements subis en tant que prisonnier de guerre, P'tit Paul parvient à s'enfuir et à retrouver les siens. Hélas! la guerre reste la guerre et tous vont en subir les effets et conséquences douloureuses et dramatiques.
J'ai lu ce roman, il y a déjà quelques mois et je ne sais pas pourquoi l'envie d'y revenir s'est faite sentir cette semaine. Le plaisir, le besoin de retrouver les mots simples et l'écriture fluide et charmante de Gilles Laporte, son érudition, sa sensibilité, son sens de l'esthétisme, sans doute. La nécessité de retrouver des valeurs essentielles, de s'en souvenir, de s'en imprégner, pour se dire que ces valeurs sont aussi celles que je ressens, que je partage, que j'ai essayé d'inculquer à mes enfants moi aussi.
Des valeurs de courage, de droiture, de bonté, d'honnêteté, de sincérité, de beauté aussi. Des valeurs que portent haut, fort et loin Mathilde et son P'tit Paul et tous ceux qui les entourent. Des valeurs dont on a bien besoin de se rappeler aujourd'hui encore et toujours! Aujourd'hui peut-être plus que jamais! Pour tous ceux qui nous ont précédés et tous ceux qui nous suivront...